Hier, après le passage des chars, je suis descendue à pied jusqu'au Parque Simon Bolivar, où se tenait un grand concert gratuit à partir de 16h. Sur le chemin j'ai fait une rencontre assez insolite.
Au moment de passer le pont au-dessus de l'avenue NQS (Norte-Quito-Sur), une jeune femme avec un bébé m'interpelle. Terrorisée par le vertige, elle me demande si je peux l'aider à traverser le pont. J'ai moi-même le vertige mais bon... je prends sur moi pour lui filer un coup de main! On est du côté où il n'y a pas de passage piéton, juste un mini trottoir, mais le flot de voitures nous empèche de rejoindre le bon côté. Alors on fait comme les autres piétons: on se colle à la barrière de sécurité et on file! Empêtrée dans ses affaires, elle me confie sa bouteille d'eau après quelques mètres pour pouvoir mieux tenir son bébé. Après le pont, elle reprend sa bouteille et me donne le bébé en échange pour pouvoir boire. Je me retrouve avec deux grands yeux verts qui me fixent au milieu d'un amas de couvertures! Euh... comment ça se porte déjà cette crevette?! Bon, ok, elle est vraiment empêtrée dans ses affaires et elle a mal aux bras... Pendant tout ce temps, elle débite un flot ininterrompu de paroles, avec un accent de Bogota à couper au couteau! Je peux pas en placer une mais comme elle va aussi au concert, on fait le chemin ensemble:
Elle s'appelle Yohanna, elle va sur ses 28 ans comme moi et elle vit à Suba, un des quartiers de Bogota. Elle a déjà fait mille et un métiers, mais en ce moment elle vend des empanadas dans la rue. La semaine elle travaille toute la journée et ne voit presque pas ses deux enfants: Maria Fernanda qui a un an et Paulina qui en a trois. C'est sa maman qui s'en occupe, et en échange elle lui verse la moitié de son salaire pour aider. Ses deux filles ont des pères différents, mais elle vit chez ses parents car sa mère trouve que le dernier Jules ne lui convient pas. Là, elle profite du dimanche pour s'aérer un peu et passer du temps avec son bébé. Elle a une poussette mais dans les transports c'est pas pratique, et puis on ne lui a jamais offert de porte-bébé alors elle se débrouille comme elle peut pour porter la petite. A force ça fait vraiment mal aux bras. Par contre elle a préféré laisser la plus grande à la maison, parce qu'elle aurait pas pu faire tout ce chemin à pied. On la laissera pas rentrer au concert avec le bébé, mais elle restera assise dans le Parc pour écouter. De toutes façons, elle a déjà vu à la télé la plupart des chanteurs qui vont se produire. Elle a mangé un tamal avant -sa mère vend des tamales- et la petite a terminé son jus de goyave. Elle a terriblement envie d'une glace mais comme elle a dû acheter une couche pour le bébé, il lui reste juste de quoi payer le bus de retour. Il faut pas qu'elle craque. Plus tard, elle appelera son Jules pour qu'il la rejoigne au Parc en douce et passe un moment avec elle et leur fille...
On a partagé ma banane et mes gâteaux entre nous trois et je lui ai donné 300 pesos pour qu'elle passe son coup de téléphone. Elle m'a remercié pour le coup de main avec le bébé et pour la monnaie et elle m'a donné son numéro de téléphone. Je les ai laissées et je suis rentrée à la maison car il se faisait tard et je n'avais pas prévu de pull. Tant pis pour le concert, mais de toutes façons le débit de paroles de Yohanna m'avait rempli les oreilles pour plusieurs heures!
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