Samedi, c’est le jour des fêtes de quartier. Les comparsas se produisent dans les quartiers de Cartagena. Le soir, rien d’officiel, mais comme c’est la fête partout de toutes façons.
Pour moi, ça a été nettement moins la fête ce soir là. Avec mon pote Jimmy, on a pris le bus vers 21h pour rejoindre des amis dans le centre. A la hauteur du quartier de La Quinta, un des quartiers pauvres et pas très sûrs de Cartagena, trois gars sont montés. Deux se sont assis derrière nous sur les sièges du fond, le troisième s’est assis à l’avant du bus, derrière le chauffeur. Arrivés au marché, ils se sont levés et ont déballé le tas de tissus qu’ils avaient dans les mains pour cacher les armes. Puis ils ont crié aux passagers de se laisser faire sous peine de mourir ce soir.
On y est passés en premier vu qu’on était juste à côté des deux gars du fond. En montant, ils avaient déjà repéré le portable de mon pote qui dépassait de sa poche côté couloir et la montre à son poignet. Ils lui ont donc enlevé de suite. Il avait aussi son portefeuille dans une poche arrière et le billet que je lui avais confié en sortant de la maison par peur d’un vol à l’arrachée dans l’autre poche arrière, mais ils ne l’ont pas fouillé. Quant à moi, j’étais assise côté fenêtre et comme j’avais suivi les recommandations de mes cousins pour les Fêtes, je ne portais que des accessoires fantaisie. J’avais un petit sac en bandoulière dans lequel j’avais mon portable mais rien d’autre de valeur, mais bizarrement ils ne l’ont pas vu. Ils ont donc continué vers l’avant du bus et les autres passagers, en jetant les objets de valeur dans leurs tissus. A la moitié du bus les gars ont crié de donner tous les téléphones portables. J’avais encore le mien donc je l’ai sorti (pas vraiment envie de mourir ce soir), mais comme les trois gars avaient le dos tourné, Jimmy l’a vite rangé dans sa poche. Moi j’en ai profité pour enlever la bandoulière de mon sac et je l’ai mis dans mon dos. Le gars qui était à l’avant a pris l’autoradio du bus. Au moment de sortir, les gars ont répété qu’ils voulaient tous les portables, mais là les passagers ont crié qu’ils les avaient déjà tous donnés et qu’ils n’avaient plus rien.
C’est long à raconter mais le tout a pris moins de trente secondes. Les gars sont descendus du bus et se sont réunis sur le trottoir pour réunir le butin. Etrangement, le chauffeur a mis du temps à redémarrer alors les passagers lui ont crié dessus pour qu’il se bouge. Quelques passagers ont parlé de rester là et d’appeler la police, mais les autres leur ont hurlé que l’urgence c’était au contraire de partir de là le plus vite possible. Mon soupçon, c’est que je n’étais pas la seule à qui il restait des objets de valeur et que les passagers avaient peur que les gars remontent pour finir le travail lorsqu’ils se seraient rendus compte qu’ils n’avaient pas récupéré grand chose. L’intérêt des malfaiteurs, c’est d’aller vite, et ils n’ont pris que ce qu’ils ont vu du premier coup d’œil sans fouiller les passagers : portables et bijoux. Pas vu, pas pris.
Lorsque le bus a redémarré, le chauffeur et son assistant se sont fait incendier par les passagers. Apparemment l’assistant était aussi armé, et les passagers auraient voulu qu’il les protège. Perso, ça me convenait très bien qu’il ne l’ai pas sorti !!!! Comme si une fusillade aurait arrangé les choses !!! Le reste du trajet (sans doute pas plus de 5-10 minutes) a semblé durer une éternité. Une fille a fondu en larmes sous le choc. De mon côté c’était le sang froid absolu. Jimmy et moi on a fait le compte de ce qu’ils nous avaient volé et pas volé et on a commenté les faits. Mais je suis pas non plus une super-héroïne et la peur s’est réveillée a posteriori au fur et à mesure que les images revenaient. Ca c'est tout moi ! En descendant du bus et pour la première fois de ma vie, j’avais sincèrement envie d’un petit verre de rhum histoire de me remettre de mes émotions !
Deux des meilleurs amis de Jimmy vivent dans le quartier de La Quinta et connaissent parfaitement tous les délinquants du quartier (je répète : à Cartagena tout se sait et tout le monde connaît tout le monde…). Les jours suivants on est donc allés plusieurs fois chez eux pour voir si il les reconnaissait. Moi j’ai eu trop peur de les regarder sur le moment et j’ai gardé les yeux scotchés sur l’arme pointée sur nous, donc impossible de reconnaître qui que ce soit. Mais vu la description qu’on leur a fait, les amis nous ont dit que parfois des délinquants d’autres quartiers braquent à l’entrée de La Quinta, et c’était sûrement le cas de ceux-là.
La leçon de tout ça, c’est :
- que je passe vraiment inaperçue (tête, vêtements…) sinon je ne serai pas passée à travers les mailles du filet
- qu’il faut renoncer définitivement à tout le superflu de la technologie et de l’esthétique : un téléphone portable qui téléphone c’est tout ce dont on a besoin, et des boucles d’oreille en noix de coco font l’affaire
- qu’il ne faut absolument pas tenter de résister mais que l’intérêt des braqueurs n’est pas non plus de faire une fouille en règle de tous les passagers, d’où : le traditionnel billet dans le soutien-gorge est une méthode sûre de garder mon argent à l’avenir
- que Cartagena est une ville dangereuse en novembre et décembre tout simplement parce que c’est la saison touristique, et donc à 21h il valait mieux prendre un taxi
- que à mon avis Cartagena n’est pas en moyenne plus dangereuse que Bogota, mais la différence c’est mon style de vie : à Bogota bien que je me déplace presque toujours seule, je n’ai pratiquement pas de vie sociale donc je suis dans mon quartier à partir de 18-19h, et rentrée à la maison grand maximum à 20h30, alors que quand je vais à Cartagena j’en profite pour faire la fête et sortir le soir
- Que pour le meilleur et pour le pire je sais maintenant comment je réagis dans ce genre de situations, et que j’ai passé mon premier test de survie urbaine en Colombie… Merci aux délinquants de me laisser tranquille dorénavant, ça serait sympa…
Pour moi, ça a été nettement moins la fête ce soir là. Avec mon pote Jimmy, on a pris le bus vers 21h pour rejoindre des amis dans le centre. A la hauteur du quartier de La Quinta, un des quartiers pauvres et pas très sûrs de Cartagena, trois gars sont montés. Deux se sont assis derrière nous sur les sièges du fond, le troisième s’est assis à l’avant du bus, derrière le chauffeur. Arrivés au marché, ils se sont levés et ont déballé le tas de tissus qu’ils avaient dans les mains pour cacher les armes. Puis ils ont crié aux passagers de se laisser faire sous peine de mourir ce soir.
On y est passés en premier vu qu’on était juste à côté des deux gars du fond. En montant, ils avaient déjà repéré le portable de mon pote qui dépassait de sa poche côté couloir et la montre à son poignet. Ils lui ont donc enlevé de suite. Il avait aussi son portefeuille dans une poche arrière et le billet que je lui avais confié en sortant de la maison par peur d’un vol à l’arrachée dans l’autre poche arrière, mais ils ne l’ont pas fouillé. Quant à moi, j’étais assise côté fenêtre et comme j’avais suivi les recommandations de mes cousins pour les Fêtes, je ne portais que des accessoires fantaisie. J’avais un petit sac en bandoulière dans lequel j’avais mon portable mais rien d’autre de valeur, mais bizarrement ils ne l’ont pas vu. Ils ont donc continué vers l’avant du bus et les autres passagers, en jetant les objets de valeur dans leurs tissus. A la moitié du bus les gars ont crié de donner tous les téléphones portables. J’avais encore le mien donc je l’ai sorti (pas vraiment envie de mourir ce soir), mais comme les trois gars avaient le dos tourné, Jimmy l’a vite rangé dans sa poche. Moi j’en ai profité pour enlever la bandoulière de mon sac et je l’ai mis dans mon dos. Le gars qui était à l’avant a pris l’autoradio du bus. Au moment de sortir, les gars ont répété qu’ils voulaient tous les portables, mais là les passagers ont crié qu’ils les avaient déjà tous donnés et qu’ils n’avaient plus rien.
C’est long à raconter mais le tout a pris moins de trente secondes. Les gars sont descendus du bus et se sont réunis sur le trottoir pour réunir le butin. Etrangement, le chauffeur a mis du temps à redémarrer alors les passagers lui ont crié dessus pour qu’il se bouge. Quelques passagers ont parlé de rester là et d’appeler la police, mais les autres leur ont hurlé que l’urgence c’était au contraire de partir de là le plus vite possible. Mon soupçon, c’est que je n’étais pas la seule à qui il restait des objets de valeur et que les passagers avaient peur que les gars remontent pour finir le travail lorsqu’ils se seraient rendus compte qu’ils n’avaient pas récupéré grand chose. L’intérêt des malfaiteurs, c’est d’aller vite, et ils n’ont pris que ce qu’ils ont vu du premier coup d’œil sans fouiller les passagers : portables et bijoux. Pas vu, pas pris.
Lorsque le bus a redémarré, le chauffeur et son assistant se sont fait incendier par les passagers. Apparemment l’assistant était aussi armé, et les passagers auraient voulu qu’il les protège. Perso, ça me convenait très bien qu’il ne l’ai pas sorti !!!! Comme si une fusillade aurait arrangé les choses !!! Le reste du trajet (sans doute pas plus de 5-10 minutes) a semblé durer une éternité. Une fille a fondu en larmes sous le choc. De mon côté c’était le sang froid absolu. Jimmy et moi on a fait le compte de ce qu’ils nous avaient volé et pas volé et on a commenté les faits. Mais je suis pas non plus une super-héroïne et la peur s’est réveillée a posteriori au fur et à mesure que les images revenaient. Ca c'est tout moi ! En descendant du bus et pour la première fois de ma vie, j’avais sincèrement envie d’un petit verre de rhum histoire de me remettre de mes émotions !
Deux des meilleurs amis de Jimmy vivent dans le quartier de La Quinta et connaissent parfaitement tous les délinquants du quartier (je répète : à Cartagena tout se sait et tout le monde connaît tout le monde…). Les jours suivants on est donc allés plusieurs fois chez eux pour voir si il les reconnaissait. Moi j’ai eu trop peur de les regarder sur le moment et j’ai gardé les yeux scotchés sur l’arme pointée sur nous, donc impossible de reconnaître qui que ce soit. Mais vu la description qu’on leur a fait, les amis nous ont dit que parfois des délinquants d’autres quartiers braquent à l’entrée de La Quinta, et c’était sûrement le cas de ceux-là.
La leçon de tout ça, c’est :
- que je passe vraiment inaperçue (tête, vêtements…) sinon je ne serai pas passée à travers les mailles du filet
- qu’il faut renoncer définitivement à tout le superflu de la technologie et de l’esthétique : un téléphone portable qui téléphone c’est tout ce dont on a besoin, et des boucles d’oreille en noix de coco font l’affaire
- qu’il ne faut absolument pas tenter de résister mais que l’intérêt des braqueurs n’est pas non plus de faire une fouille en règle de tous les passagers, d’où : le traditionnel billet dans le soutien-gorge est une méthode sûre de garder mon argent à l’avenir
- que Cartagena est une ville dangereuse en novembre et décembre tout simplement parce que c’est la saison touristique, et donc à 21h il valait mieux prendre un taxi
- que à mon avis Cartagena n’est pas en moyenne plus dangereuse que Bogota, mais la différence c’est mon style de vie : à Bogota bien que je me déplace presque toujours seule, je n’ai pratiquement pas de vie sociale donc je suis dans mon quartier à partir de 18-19h, et rentrée à la maison grand maximum à 20h30, alors que quand je vais à Cartagena j’en profite pour faire la fête et sortir le soir
- Que pour le meilleur et pour le pire je sais maintenant comment je réagis dans ce genre de situations, et que j’ai passé mon premier test de survie urbaine en Colombie… Merci aux délinquants de me laisser tranquille dorénavant, ça serait sympa…
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