Monday, September 18, 2006

Lord above, how can I love this thing that I abhor? Child of rape is growing in me (Noa - Mark of Cain)

Continuons un peu sur le thème des femmes et la société colombienne, sujet malheureusement inépuisable...

En mai de cette année, la Cour Constitutionnelle a partiellement dépénalisé l'avortement dans les cas spécifiques de viol, de graves malformations du foetus et quand la grossesse présente un risque vital pour la mère. Dans le premier cas, une plainte doit avoir été déposée ou un examen de médecine légale pratiqué, et dans les deux autres un certificat médical complet doit être présenté. En Colombie on estime à 300 000 le nombre d'avortements clandestins pratiqués chaque année, avec des conséquences gravissimes pour les femmes puisque c'est la seconde cause de mortalité chez les colombiennes!

Malgré l'accord de la Cour Constitutionnelle, la loi n'était pas encore réellement mise en application. Or le mois dernier, une grand-mère a porté plainte et demandé l'avortement pour sa petite-fille. La fillette de 11 ans était violée depuis l'âge de 7 ans par son beau-père et a fini par tomber enceinte, très probablement suite à ses premières règles. Devant l'urgence de la situation, les principales instances du pays ont clarifié le cadre de loi en quelques jours et la fillette a pu bénéficier du premier avortement légal du pays le 24 août. La Justice a également considéré que la mère n'était pas apte à s'occuper de son enfant puisqu'elle était au courant des aggressions et avait laissé faire, et la grand-mère s'est vu confier la garde de sa petite-fille.

L'évènement avait déjà réveillé le débat sur l'avortement en Colombie. Mais c'est la réaction de l'Eglise quelques jours après qui a provoqué l'indignation de la majorité de la population. Le Cardinal Alfonso Lopez Trujillo, président du Conseil Pontifical pour la Famille, a excomunié en bloc les médecins et responsables du Centre Hospitalier où a été pratiqué l'avortement, les membres de la Cour Constitutionnelle et la grand-mère de la petite, rien de moins! Il les a également qualifié de "malfaiteurs"... mais pas un mot sur le beau-père!!!

Dans un pays où l'écrasante majorité de la population est catholique (90%), la majorité d'entre eux pratiquants, et de la part d'un cardinal lui même colombien, la sentence a touché l'opinion publique en plein coeur. Il faut dire que le Conseil Pontifical pour la Famille est l'une des institutions les plus réactionnaires du Vatican. Le Cardinal Lopez Trujillo interdit par exemple l'usage du préservatif même pour les malades du SIDA, demande aux divorcés qui reforment un couple de vivre "comme frère et soeur" (sans relations sexuelles), et suggère -mon préféré!!-que les paquets de préservatifs mentionnent un avertissement pour la santé des consommateurs comme les paquets de cigarette. Un journaliste de la revue Semana a récemment écrit un article incisif sur le parcours de ce cardinal (rien que le titre: "El verdadero malhechor", il fallait oser!!), depuis l'époque où en tant qu'évêque de Medellin il aurait persécuté les curés les plus impliqués socialement dans les communautés. Plusieurs voix se sont également élevées qui l'accusent de liens avec le cartel de Medellin dans les années 70 et 80.

Mais la Colombie et les colombiens ne sont plus tout à fait sous la botte du Vatican, et la condamnation par le Cardinal d'un acte pratiqué en toute légalité a écoeuré l'opinion publique. La réaction de l'Eglise a été ressentie par beaucoup comme une ingérence dans les affaires séculaires du pays: considérations morales et éthiques mises à part, les médecins ont tout simplement appliqué la loi. Sur le plan religieux, elle a été vécue par beaucoup comme un abus de pouvoir sur les Catholiques, dans la mesure où la condamnation serait discutable sur le plan théologique (l'excommunication se justifiant peu d'après les spécialistes pour les médecins et membres de la Cour Constitutionnelle qui n'ont pas participé directement à l'acte). Beaucoup rappellent également l'omerta de l'Eglise à propos des prêtres pédophiles, surtout dans un pays comme la Colombie où les enfants subissent déjà de plein fouet la violence intra-familiale et celle de la guerre.

Les colombiennes ne sont pas sorties de l'auberge, mais elles donnent des coups de pied dans la porte...

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