Hier soir après la fameuse après-midi dans le patio d'un ami, nous sommes allées au Castillo San Felipe. On est arrivées à l'entrée du fort tout juste après 18h. Et là, grosse déception, on voit que le guichet indique que le fort ferme tous les jours à 18h. Grrrr... L'entrée du fort est gardée par deux policiers, dont un de la brigade du Tourisme (ces policiers sont en général très serviables et plus avenants que les autres, mission d'assistance aux touristes oblige...).
Alors qu'on tourne en rond devant le guichet, le policier du Tourisme nous fait signe: "Le fort est fermé mais vous pouvez entrer sans problème". (??). On reste un peu interloquées, on balbutie deux ou trois "Mais, euh, là-bas c'est écrit que ça ferme à 18h... non?" Le policier insiste: c'est ouvert jusqu'à 21h, il y a même un guide là-haut pour vous orienter. (?!). Puis tout d'un coup tout s'éclaire (!!): le fort ferme officiellement à 18h, mais les gardiens du fort font entrer les touristes en douce jusqu'à 21h, moyennant le prix de l'entrée directement pour leur poche. Ben c'est du propre!
On hésite longtemps devant l'entrée. C'est ma première expérience directe de corruption en Colombie. Ca secoue. D'un côté le fort a l'air désert et inquiétant, et on craint une pire entourloupe que celle de l'entrée. Ce sont bien des policiers qui gardent le fort, mais ils ont déjà prouvé leur manque d'honnêteté donc ils pourraient bien aussi se révéler incompétents voire fourrés dans des affaires louches... De l'autre on n'aura pas forcément l'occasion de revenir, et le meilleur moment pour visiter le fort c'est de nuit comme en ce moment. Si on revient pendant l'horaire officiel, ça sera forcément de jour (la nuit tombe à 18h pile en Colombie). Je me dis aussi que s'il arrivait vraiment des choses graves aux touristes au Castillo San Felipe, ça se saurait vu le nombre de touristes qui visitent Cartagena tous les ans...
On décide dinalement d'entrer, mais pas question de payer le prix officiel, non mais!!!! Je négocie avec le policier et lui donne l'argent en lui décochant un regard noir pour bien lui faire comprendre qu'on n'est pas dupes. Ca fait mal au coeur mais bon... Mag immortalise l'ironie du moment (photos Mag):
Puis on commence à grimper et à prendre des photos. A mi-chemin un gamin nous rejoint et nous propose de nous prendre en photo... après avoir bien regardé l'appareil de Mag sous tous les angles. Comme si on n'avait pas grillé qu'il partirait en courant avec, juste après avoir dit "Cheese!"... Je l'évacue poliment mais fermement, et il finit par comprendre qu'on se laissera pas avoir. Il nous a pris pour des touristes ou quoi? Hehehe...
Arrivées au premier niveau, on repère un couple de touristes qui écoutent un guide. Le fort étant désert, on n'est que trop heureuses d'y trouver des gens. Pendant quelques minutes on tape l'incruste discrètement histoire de pêcher des informations, mais histoire surtout de pas être seules! Puis le petit groupe se dirige vers un endroit plus reculé et le guide propose au couple d'entrer dans une galerie (à peine éclairée) pour leur montrer quelque chose. La dame suit le guide mais le monsieur s'emporte: il pense que le guide ou des complices vont les dévaliser dans l'obscurité. Quant à Mag et moi, on n'attend pas notre reste et on fait demi-tour illico presto! Mes connaissances historiques me rappellent opportunément que l'intérieur du fort est un entrelas de galeries, de geôles et de passages secrets: Taïau!!!!! Mieux vaut être seules dans les espaces éclairés que braquées par un guide! Dorénavant on restera toutes les deux bien vigilantes dans les endroits les mieux éclairés. On continue à grimper jusqu'au plus haut niveau. Le fort est éclairé de façon absolument magnifique, et la vue est à couper le souffle.
Le Castillo San Felipe de Barajas a été construit au XVIe et XVIIe siècle pour parachever la fortification de Cartagena de Indias, assaillie par les pirates. Cartagena était le premier port d'exportation des métaux et pierres précieuses d'Amérique vers le Royaume d'Espagne, et le 2e port d'esclaves. Pendant toute la colonisation espagnole, Cartagena a donc été assaillie tant par les corsaires (sortes de mercenaires des mers français ou anglais dûment autorisés par leur gouvernement) que par les pirates (brigands des mers purs et simples). Suite aux attaques du corsaire français Martin Cote et du fameux corsaire anglais Francis Drake au milieu du XVIe siècle, la couronne espagnole trouve que ça commence à bien faire et décide de fortifier entièrement Cartagena de Indias. Les ingénieurs militaires érigent alors 12km de murailles autour de la ville, une demi-douzaine de batteries en direction de la mer, une demi-douzaine de forts qui protègent toutes les entrées de la baie par un système de feux croisés (Cartagena est un ensemble d'îles et de presqu'îles) et le Castillo San Felipe de Barajas réputé imprenable et destiné à protéger la ville des attaques par la terre. Pour couronner le tout, alors que l'entrée de la baie par Bocagrande commence à devenir difficile en raison des nombreux navires coulés à cet endroit, les ingénieurs militaires décident de la condamner définitivement par la construction d'une muraille sous-marine, et ils protègent l'autre entrée de la baie par Bocachica à l'aide d'une chaîne sous-marine tendue entre les forts de San Fernando et San José.
Le Castillo San Felipe de Barajas est un bijou d'architecture militaire. Les murs du fort sont tous inclinés vers l'intérieur de façon à ce que les boulets de canon rebondissent dessus sans les détruire. L'intérieur du fort est un véritable labyrinthe destiné à approvisionner les soldats en cas de siège, mais aussi à les évacuer en un temps record au cas où. Malgré leur apparence massive, les passages du fort ont été construits de façon à réverbérer le son, pour faciliter la communication et entendre le moindre bruit de pas de l'ennemi de très loin. Et les canons étaient disposés de façon à couvrir toute la baie mais aussi à se détruire entre eux pour éviter qu'ils tombent aux mains de l'ennemi.
Cartagena devient alors la ville la mieux fortifiée d'Amérique, et elle résiste et repousse l'attaque de l'amiral britannique Edward Vernon en 1714. Malgré des troupes 7 fois supérieures à celles des espagnols et un siège cruel de la ville, Vernon dut se retirer la queue entre les jambes. Il avait pourtant déjà fait graver en Angleterre les médailles commémoratives de sa victoire supposée!!! C'est Don Blas de Lezo, militaire espagnol qui avait perdu son oeil et sa jambe gauche ainsi que son bras droit dans des batailles européennes, qui sauva la ville à la tête de 2500 hommes, dont des esclaves noirs et des Indiens formés au maniement des armes à la dernière minute. Vous comprendrez donc d'où vient le surnom de la ville de Cartagena de Indias en Colombie: "La Heroica"...
Rassurez-vous, après ces aventures initiales on a fini notre visite en parfaite sécurité. Un bruyant groupe de touristes nous a rejoint un peu plus tard ainsi que le couple et leur guide, ce qui nous a rassurés mais nous a sérieusement empêché de photographier en rond... Mais bon, faut pas trop en demander ;-) La sécurité avant tout!
Alors qu'on tourne en rond devant le guichet, le policier du Tourisme nous fait signe: "Le fort est fermé mais vous pouvez entrer sans problème". (??). On reste un peu interloquées, on balbutie deux ou trois "Mais, euh, là-bas c'est écrit que ça ferme à 18h... non?" Le policier insiste: c'est ouvert jusqu'à 21h, il y a même un guide là-haut pour vous orienter. (?!). Puis tout d'un coup tout s'éclaire (!!): le fort ferme officiellement à 18h, mais les gardiens du fort font entrer les touristes en douce jusqu'à 21h, moyennant le prix de l'entrée directement pour leur poche. Ben c'est du propre!
On hésite longtemps devant l'entrée. C'est ma première expérience directe de corruption en Colombie. Ca secoue. D'un côté le fort a l'air désert et inquiétant, et on craint une pire entourloupe que celle de l'entrée. Ce sont bien des policiers qui gardent le fort, mais ils ont déjà prouvé leur manque d'honnêteté donc ils pourraient bien aussi se révéler incompétents voire fourrés dans des affaires louches... De l'autre on n'aura pas forcément l'occasion de revenir, et le meilleur moment pour visiter le fort c'est de nuit comme en ce moment. Si on revient pendant l'horaire officiel, ça sera forcément de jour (la nuit tombe à 18h pile en Colombie). Je me dis aussi que s'il arrivait vraiment des choses graves aux touristes au Castillo San Felipe, ça se saurait vu le nombre de touristes qui visitent Cartagena tous les ans...
On décide dinalement d'entrer, mais pas question de payer le prix officiel, non mais!!!! Je négocie avec le policier et lui donne l'argent en lui décochant un regard noir pour bien lui faire comprendre qu'on n'est pas dupes. Ca fait mal au coeur mais bon... Mag immortalise l'ironie du moment (photos Mag):
Puis on commence à grimper et à prendre des photos. A mi-chemin un gamin nous rejoint et nous propose de nous prendre en photo... après avoir bien regardé l'appareil de Mag sous tous les angles. Comme si on n'avait pas grillé qu'il partirait en courant avec, juste après avoir dit "Cheese!"... Je l'évacue poliment mais fermement, et il finit par comprendre qu'on se laissera pas avoir. Il nous a pris pour des touristes ou quoi? Hehehe...
Arrivées au premier niveau, on repère un couple de touristes qui écoutent un guide. Le fort étant désert, on n'est que trop heureuses d'y trouver des gens. Pendant quelques minutes on tape l'incruste discrètement histoire de pêcher des informations, mais histoire surtout de pas être seules! Puis le petit groupe se dirige vers un endroit plus reculé et le guide propose au couple d'entrer dans une galerie (à peine éclairée) pour leur montrer quelque chose. La dame suit le guide mais le monsieur s'emporte: il pense que le guide ou des complices vont les dévaliser dans l'obscurité. Quant à Mag et moi, on n'attend pas notre reste et on fait demi-tour illico presto! Mes connaissances historiques me rappellent opportunément que l'intérieur du fort est un entrelas de galeries, de geôles et de passages secrets: Taïau!!!!! Mieux vaut être seules dans les espaces éclairés que braquées par un guide! Dorénavant on restera toutes les deux bien vigilantes dans les endroits les mieux éclairés. On continue à grimper jusqu'au plus haut niveau. Le fort est éclairé de façon absolument magnifique, et la vue est à couper le souffle.
Le Castillo San Felipe de Barajas a été construit au XVIe et XVIIe siècle pour parachever la fortification de Cartagena de Indias, assaillie par les pirates. Cartagena était le premier port d'exportation des métaux et pierres précieuses d'Amérique vers le Royaume d'Espagne, et le 2e port d'esclaves. Pendant toute la colonisation espagnole, Cartagena a donc été assaillie tant par les corsaires (sortes de mercenaires des mers français ou anglais dûment autorisés par leur gouvernement) que par les pirates (brigands des mers purs et simples). Suite aux attaques du corsaire français Martin Cote et du fameux corsaire anglais Francis Drake au milieu du XVIe siècle, la couronne espagnole trouve que ça commence à bien faire et décide de fortifier entièrement Cartagena de Indias. Les ingénieurs militaires érigent alors 12km de murailles autour de la ville, une demi-douzaine de batteries en direction de la mer, une demi-douzaine de forts qui protègent toutes les entrées de la baie par un système de feux croisés (Cartagena est un ensemble d'îles et de presqu'îles) et le Castillo San Felipe de Barajas réputé imprenable et destiné à protéger la ville des attaques par la terre. Pour couronner le tout, alors que l'entrée de la baie par Bocagrande commence à devenir difficile en raison des nombreux navires coulés à cet endroit, les ingénieurs militaires décident de la condamner définitivement par la construction d'une muraille sous-marine, et ils protègent l'autre entrée de la baie par Bocachica à l'aide d'une chaîne sous-marine tendue entre les forts de San Fernando et San José.
Le Castillo San Felipe de Barajas est un bijou d'architecture militaire. Les murs du fort sont tous inclinés vers l'intérieur de façon à ce que les boulets de canon rebondissent dessus sans les détruire. L'intérieur du fort est un véritable labyrinthe destiné à approvisionner les soldats en cas de siège, mais aussi à les évacuer en un temps record au cas où. Malgré leur apparence massive, les passages du fort ont été construits de façon à réverbérer le son, pour faciliter la communication et entendre le moindre bruit de pas de l'ennemi de très loin. Et les canons étaient disposés de façon à couvrir toute la baie mais aussi à se détruire entre eux pour éviter qu'ils tombent aux mains de l'ennemi.
Cartagena devient alors la ville la mieux fortifiée d'Amérique, et elle résiste et repousse l'attaque de l'amiral britannique Edward Vernon en 1714. Malgré des troupes 7 fois supérieures à celles des espagnols et un siège cruel de la ville, Vernon dut se retirer la queue entre les jambes. Il avait pourtant déjà fait graver en Angleterre les médailles commémoratives de sa victoire supposée!!! C'est Don Blas de Lezo, militaire espagnol qui avait perdu son oeil et sa jambe gauche ainsi que son bras droit dans des batailles européennes, qui sauva la ville à la tête de 2500 hommes, dont des esclaves noirs et des Indiens formés au maniement des armes à la dernière minute. Vous comprendrez donc d'où vient le surnom de la ville de Cartagena de Indias en Colombie: "La Heroica"...
Rassurez-vous, après ces aventures initiales on a fini notre visite en parfaite sécurité. Un bruyant groupe de touristes nous a rejoint un peu plus tard ainsi que le couple et leur guide, ce qui nous a rassurés mais nous a sérieusement empêché de photographier en rond... Mais bon, faut pas trop en demander ;-) La sécurité avant tout!
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