Pour des milliers de jeunes, l'université publique est donc leur seule chance de mener des études supérieures, avec le SENA (Servicio Nacional de Aprendizaje, l'institut national de formation professionnelle). A Bogotá, il y a trois universités publiques: la Universidad Distrital Francisco José de Caldas, la Universidad Pedagógica Nacional, et surtout l'immense Universidad Nacional (20.000 étudiants), une des meilleures de Colombie.
Durant tout le mois de Mai et de Juin, toutes les semaines voire plusieurs fois par semaine les étudiants et professeurs des 3 universités publiques de Bogotá ont manifesté, ainsi que les universités publiques dans d'autres villes. Ils se sont unis pour protester contre le Plan Nacional de Desarrollo 2006-2010, qui devrait générer des coupes budgétaires pour l'éducation supérieure publique. De nombreuses universités publiques ont été en occupées par les étudiants, puis évacuées de force et mises en lock-out par les recteurs pendant plusieurs semaines. Les collégiens et lycéens d'écoles publiques et leurs professeurs ont dans le même temps bloqué les grands axes de circulation dans plusieurs villes du pays pour protester contre la Ley de Transferencias, qui aurait le même effet que le PND.
Au mois de Mai et Juin, c'était donc la pagaille dans Bogotá... et au bureau aussi! Des quartiers bloqués, des slogans tagués sur tout le parcours des manifs, des hurlements de sirènes tous les jours... Par la Carrera 13 arrivait le cortège des étudiants de la Pedagógica, et par la Calle 53 celui de la Universidad Nacional; un peu plus loin sur la Carrera Séptima tout ce petit monde rejoignait le cortège de la Universidad Distrital. Chaque mercredi pendant 3 semaines c'étaient donc 1h30 de défilé au pied du bureau. Travail suspendu, tous les collègues aux fenêtres pour encourager les manifestants, l'une se rappelant sa jeunesse militante, l'autre heureuse que "les gens se bougent enfin dans ce pays!!", et d'autres lançant des petits bouts de papiers par les fenêtres pour exprimer leur soutien, sous les vivas de la foule. Au début et à la fin des manifs très largement pacifiques, chars d'assaut et policiers anti-émeutes façon Robocop... Ambiance...